A propos de Sandra Abouav

«Si les hommes ne dansaient pas sur les volcans, je me demande où et quand ils danseraient ; l’important est de bien savoir qu’on a le volcan sous les pieds afin de goûter son vrai plaisir d’homme libre.»
Jacques Perret, Bâtons dans les roues
La création naît d’un corps qui vient habiter l’espace, le sculpter. L’envahir pour s’y confronter et en mesurer les limites pour le transformer. Le mouvement se déploie pour rendre visible un imaginaire propulsé à l’extérieur où le corps ne laisse pas disparaître l’éphémère du geste, mais vient l’imprimer. La source même des interrogations, des perceptions et stupéfactions nourrit le mouvement. Il puise dans les évènements du monde qui chavire. La danse comme « analyseur sauvage » qui vient révéler, réveiller les failles, les absurdités, les violences et les beautés. Cette démarche a la vocation d’amorcer un questionnement qui part de l’intime et va rencontrer le collectif.
Faire transiter les figures ou allégories sous des formes différentes, de l’étrangeté animale à la froideur machinique, ou l’hybridation avec le costume ou la végétation est le moyen de questionner la place de l’Homme dans sa singularité, dans sa dignité : se tenir debout, résister, être capable de jouer avec la règle pour la réinventer. Un corps traversé par plusieurs entités ouvre la voie vers présence, saisissante, en prise avec le monde et son intensité, où parfois se frottent et absurdités..
La danse comme une promesse de l’évolution de l’espèce.
Formée à la danse classique, elle découvre les techniques contemporaines au conservatoire de Poitiers. Elle étudie l’Histoire de la représentation du corps à l’Université d’Histoires des Arts et Archéologie et poursuit sa formation aux Rencontres Internationales de Danse Contemporaine, elle y obtient son Diplôme d’État.
En 2010, elle fonde la Compagnie METAtarses avec Vincent Cespedes, compositeur et philosophe, avec qui se tisse une complicité artistique et intellectuelle plurielle. Leur collaboration s’inscrit dans un questionnement du sens. IIs créent ensemble des vidéo-danses, « attentats chorégraphiques », performances, musiques de spectacle hybridant les styles, réinventant des racines sonores, plongeant les espérances dans les souvenirs. Théoricien passionné comme elle de combinatoires universelles, il met au point un jeu de symboles, « Le Jeu du Phénix », véritable matrice synesthésique où les attitudes du corps, les couleurs et les rythmes font émerger des mondes du hasard le plus pur. Avec cette complice, il tient aussi des conférences dansées à la mairie de Paris, lui improvisant au piano et elle en dialogue avec le public, ainsi que des vidéo-live philosophiques sur l’art, la culture et la soif de sens.
Pauline Falourd, créatrice lumière, les rejoint pour la création de S L I D E, solo programmé à La Générale Nord-Est, à La Loge à Paris et au Théâtre National d’Alger. Accueillis en résidence au Point Éphémère pour le projet HÉLICES en 2013, ils mènent ensemble des recherches autour d’une forme chorégraphique où la structure métallique du scénographe Geoffrey Crespel devient partenaire de la danse.
Elle investit l’espace public avec ses « Attentats Chorégraphiques » et développe un travail de vidéodanse où la danse investit de nombreux espaces inspirants; le métro parisien, la rue, le désert, les bâtiments en ruine..
Tous les moyens sont bons pour provoquer la surprise et la rencontre dans les projets qu’elle mène au sein de la compagnie : spectacles, films de danse, performances, conférences philosophiques et dansées, ateliers et collaborations avec des artistes de disciplines différentes.
Elle développe son activité à l’international et tisse des liens forts avec l’Algérie et la Tunisie depuis 2011. Après Le Festival itinérant De colline en Coline Programmée à l’Institut du Monde Arabe en novembre 2013, elle présente Je saoule la tristesse de mes chants, adaptation chorégraphique et musicale du poème La Volonté de vivre d’Abou El Kacem Chebbi, aboutissement de sa collaboration avec Mounir Troudi, chanteur soufi tunisien.
Très tôt, le dialogue entre le corps et les sons qu’il produit devient un point de départ de la création.
En 2015, elle crée RIZ COMPLET en duo avec Alexis Morel, compositeur et flûtiste. Ensemble, ils jouent sur la musicalité et la magie que génèrent les mots dans le mouvement. ce projet remporte le Prix Paris Jeunes Talents de la Mairie de Paris et le Prix de la Recherche aux Hivernales d’Avignon.
Sélectionnée au Programme de Recherche et Composition Chorégraphique de la Fondation Royaumont sous la direction d’Hervé Robbe, elle participe aux formations Prototype II, « La présence vocale dans la partition chorégraphique » et Dialogues I, où elle développe ses axes de recherches et d’explorations autour du geste du bâillement et de ses métamorphoses avec des danseurs interprètes et les étudiants du CNSMDP et du CNDC d’Angers.
En 2017, elle crée la pièce, À BOUCHE QUE VEUX-TU , pièce chorégraphique et vocale pour cinq interprètes. Elle obtient la Bourse d’écriture Sacd Beaumarchais et le Fond Musique de Scène pour la création musicale originale de Vincent Cespedes.
À la Fondation Royaumont, elle rencontre le compositeur et performerJerzy Bielski basé à Amsterdam. Y débute une intense collaboration. Ensemble, ils déploient avec goût divers moyens d’inclure le public à la dramaturgie et à l’espace de représentation. Ils signent PLUS MINUS SLASH – + – / , 1 = _ ; X %, pièce musicale et chorégraphique (MusicDanceTheater) créée au Spring Utrecht Festival 2016. Le projet est sélectionné pour concourir à Danse Élargie au LG Arts Center de Séoul en Corée du Sud. Avec la création transdisciplinaire ZAMENHOF : Breaking the codes (15 performers), ils continuent de forger un langage où musique et danse fusionnent ; et d’inventer les moyens d’inclure un public actif au plateau (2019 – Muziekebouw Amsterdam Theatralny à Varsovie).
Ils préparent actuellement Opera for the Deaf ou Opéra pour les Sourds dont la création aura lieu au Deutch National Opera d’Amsterdam.
Poursuivant sa recherche dans le dialogue entre la voix et le mouvement, considérant de plus en plus le corps comme instrument de musique, elle développe un laboratoire de recherche et de composition en format très court et réalise la web série chorégraphique de 100 épisodes Danse de Parking de 2017 à 2020. Terrain de jeu et de fabrication la web série hebdomadaire est propice aux invitations et aux collaborations pour la création d’une entité chorégraphique, vocale et littéraire (vidéodanse à laquelle s’articule à un texte traduit automatiquement en anglais par une IA).
Cette fiction chorégraphique se poursuit depuis 2020 jusqu’à aujourd’hui avec ABC – Abouav Bezons Chorégraphie, commande du Théâtre Paul Éluard, scène conventionnée danse de Bezons. Deux saisons, 40 épisodes, où la ville devient le partenaire principal de ses narrations poétiques et décalées en vue du Réendansement de la ville : La Ville en Danse.
Dans sa dernière création Parachute, Le Vide. Le Vent. La Vie, crée en juillet 2021, elle collabore avec Antonin Gellibert, costumier et investit le dialogue entre mouvement et costume, à la fois seconde peau et scénographie.
En quête d’une verticalité mise à l’épreuve de la gravité. Braver le vertige et la peur du vide. Maîtriser l’air et profiter de ses appuis. Transformer l’issue fatale de la chute en un moment d’extase,
Elle investit le champ des arts plastiques et compose des sculptures végétales et florales, et développe de nombreuses performances où la figure mythologique de la dryade est une puissante source d’inspiration. Elle développe le projet Memento flori, projet articulé autour des métamorphoses du corps et de son hybridation avec le monde végétal.
Interprète pour le chorégraphe Aloun Marchal, la compositrice Alexandra Grimal, le metteur en scène Guillaume Bariou. Elle intervient aussi régulièrement auprès des étudiants de l’École Supérieure d’Arts d’Aix-en-Provence en classe de performance, des élèves des Ateliers des Beaux-Arts de la ville de Paris et des étudiants de l’École Supérieure d’Arts Visuels de Marrakech.